Source : article de “The Association of Pet Dog Trainers“, disponible sur le
site “www.apdt.com“
Traduction libre de K. Barbéry, Comportementaliste,
consultante relation homme/chien (REGARD DE CHIEN)
L'utilisation de la théorie de la “dominance“ et
du “chef de meute“ pour expliquer le comportement du chien a récemment été minutieusement
étudiée. “The Association of Pet Dog Trainers“ tient à informer les
propriétaires de chiens des conséquences de l’utilisation de cette théorie pour
comprendre les chiens, quand on veut interpréter leur comportement et vivre en
harmonie avec eux.
Théorie et idées reçues
Contrairement à la pensée populaire, les études
et recherches sur les loups dans leur habitat naturel démontrent que ces
animaux ne sont pas dominés par un “loup Alpha" qui serait le mâle le plus
agressif de la meute, ou par un couple mâle-femelle.
Bien au contraire, ils ont trouvé que les meutes
de loups ont une organisation très similaire à celle des familles humaines et
qu’on y trouve peu d'agressions ou de combats liés à la « dominance ».
Les loups, que ce soit les adultes ou les
louveteaux d'une meute, dépendent les uns des autres pour survivre dans la
nature ; par conséquent les loups se livrant à des comportements agressifs
envers les autres inhiberaient la capacité de la meute à survivre et
s'épanouir.
Bien que la hiérarchie sociale existe (comme
c’est aussi le cas au sein des familles humaines), elle n’est pas liée à
l’agression contrairement à ce que les croyances populaires (qui restent
infondées) portent à croire.
Comme le chercheur scientifique et zoologiste
américain Lucyan David Mech l’a récemment écrit, au regard de ses
nombreuses années d'études sur le comportement des loups, nous devrions « mettre
fin, une fois pour toutes, à notre vision archaïque de la meute de loups qui
serait un groupe de loups agressifs en constante compétition entre eux pour
prendre la tête de la meute ». (Mech, 2008)
Outre notre nouvelle compréhension du
comportement des loups, les études sur le comportement du chien ont mis en
évidence que les chiens, bien qu’ils partagent certaines particularités avec
leurs cousins les loups, présentent néanmoins de nombreuses différences
notoires.
Ainsi, l'idée d’expliquer le comportement du
chien en se basant sur les modèles de comportement du loup n’est pas plus
pertinente que de suggérer d’utiliser le comportement du chimpanzé pour expliquer
le comportement humain.
Malheureusement, cette idée que les chiens sont
fondamentalement des « loups domestiqués » vivant dans nos foyers persiste
encore chez certains éducateurs canins, et comportementalistes, mais aussi chez
certains éleveurs, propriétaires et dans les médias.
L’idée fausse la plus courante à laquelle nous
sommes confrontés porte déjà sur la définition même de la “dominance“. Les chiens sont souvent décrits comme étant
“dominants“, ce qui est un usage incorrect du terme. La dominance n'est pas
un trait de personnalité.
La dominance est « essentiellement un
terme descriptif des relations entre deux individus », ainsi, « l'utilisation
de l'expression “chien dominant“ n’a aucun sens puisque la “dominance" ne
peut s'appliquer qu'à une relation entre individus. » (Bradshaw et
al., 2009). La dominance entre en jeu dans une relation intra-spécifique quand
un individu veut avoir la primauté sur le choix des ressources comme la
nourriture, le couchage, les jouets, les os, etc.
Cependant, même entre chiens, ce privilège n’est obtenu ni par la force
ni par la contrainte, mais par la soumission pacifique de l’autre individu
dans la relation. Dans de nombreux foyers, la position des chiens entre eux est
claire ; en d'autres termes, un chien peut faire le choix des jouets et s'en
remettre à un autre chien pour le choix des lieux de repos.
Les chiens qui utilisent l'agression pour «
obtenir ce qu'ils veulent » n’affichent pas une attitude dominante, mais plutôt
des comportements liés à de l'anxiété, qui ne
font d’ailleurs qu'augmenter s’ils sont confrontés aux menaces verbales
et/ou physiques de leurs propriétaires. Baser les interactions avec le chien sur la
dominance est préjudiciable à la relation homme-chien ; cela entraîne
chez le chien davantage de stress, d’anxiété, augmente les risques
d’agressions, et cela induit de la peur et de l’hostilité vis-à-vis du
propriétaire.
Vivre avec des chiens : qu’est-ce qui
est important ?
…
Bien trop souvent, les propriétaires de chiens ont reçu le conseil de montrer au chien “qui est le chef" et d’être “l'individu alpha“. L'effet secondaire malheureux de cette approche est qu'il crée un rapport de force entre le propriétaire et son chien avec la conviction que le chien essaye en quelque sorte de contrôler le foyer et la vie du propriétaire. Cette information erronée est dommageable à la relation propriétaire-chien et peut conduire à la peur, à l'anxiété et/ou aux comportements agressifs du chien. Les chiens ne parlent pas notre langue, et ils se retrouvent alors confrontés, au sein de nos foyers, à des situations difficiles à comprendre pour lui, avec des propriétaires qui tentent de se comporter comme ils croient, à tort, que le feraient des loups
« alpha ».
Plutôt que de la notion de dominance, c’est plus souvent
l’absence d’une communication
interspécifique claire qui mène aux comportements qui nous préoccupent. C'est
de la responsabilité de l'humain
d’enseigner au chien les comportements qu’il juge appropriés et de le
récompenser lorsqu'il fait ce que l’on attend de lui. De manière toute aussi
importante, notre rôle est de lui montrer quels sont les comportements non
désirables, cela de façon constructive et avec compassion pour ne pas engendrer
davantage d’anxiété chez lui.
L’agressivité n’est pas une bonne
réponse
Des pratiques telles que le “rôle Alpha“ et
“secouer le chien par la peau du cou“ n'ont en réalité aucun fondement lorsque
l'on étudie le comportement du loup ou du chien. Ils ne font que faire naître
une peur inutile du chien à notre égard, peur qui peut finalement conduire à
l'agression parce que le chien, effrayé, n’a pas d'autre moyen pour se protéger
que d’utiliser ses dents.
Nous
devons à nos chiens de chercher à voir le monde de leur point de vue afin de créer une relation plus harmonieuse.
Qu’il s’agisse d’un chien ou d’un loup, des actions telles qu’empoigner
l’animal et l’obliger à se coucher, lui grogner dessus et utiliser d’autres
comportements agressifs à son encontre, le conduiront seulement à adopter une
réponse “d’affrontement“ ou de “fuite“ puisqu’il craindra pour son intégrité
physique. Dans cette situation, le chien sera soit tétanisé par la peur,
soit, s’il en a l’opportunité, il fuira loin de l'animal ou de la personne qu’il
estime menaçants, soit il ira au conflit pour sauver sa peau. Lorsque nous
adoptons ces comportements vis-à-vis de nos chiens, nous ne leur indiquons pas
que nous sommes le “chef“, mais que nous sommes des êtres dangereux, à éviter
ou à repousser. Il n'y a aucune notion de “dominance“ dans ces scénarii –
seulement de la peur et l'instinct de se défendre contre une attaque.
Si la dominance n’est pas à utiliser,
alors quels moyens utiliser ?
Heureusement, beaucoup d’éducateurs canins et de
comportementalistes professionnels présentent maintenant des approches qui
mettent l'accent sur la construction d'une relation bienveillante et heureuse
avec le chien, au lieu d’utiliser la dominance.
…
Ces approches éducatives visent à renforcer le
lien entre le propriétaire et son chien et à apporter aux propriétaires des
moyens plus efficaces pour communiquer avec une autre espèce. Pour les chiens
ayant des problèmes de comportement, les éducateurs utilisent des programmes
tels que "rien dans la vie n’est gratuit" qui reposent sur le
principe que le chien doit “faire“ quelque chose pour obtenir ce qu'il “veut“
(s’asseoir pour manger, ne pas tirer sur la laisse pour avancer, etc.). Ces
programmes sont efficaces dans la mesure où ils apportent au chien un ensemble
de règles structurées constamment renforcées et où ils lui apprennent ce qu'il
doit faire afin d'obtenir ce qu'il veut comme de la nourriture, des caresses,
des temps de jeux, etc. Comme les chiens n'ont pas l’usage de la parole et du langage
humain, l'anxiété et les problèmes de comportement apparaissent dès qu’on les
laisse livrés à eux-mêmes et décider librement de tout sans un encadrement cohérent.
C’est pareil avec les humains, nous nous comportons mieux et nous nous épanouissons
davantage dans un monde “logique“ et clairement structuré.
Les idées fausses véhiculées par la “théorie de
la dominance“, comme de ne pas permettre au chien de dormir sur le lit ou de
manger et passer les portes en premier, n'ont en réalité aucune incidence
directe sur le fait que le chien compte sur son propriétaire pour le guider ou
non. Les règles spécifiques à la relation dépendent de chaque propriétaire et
sont fonction de ce qu'il souhaite au sein de son foyer. Les éducateurs informés
et ayant une approche bienveillante devraient s'efforcer d’apprendre aux
propriétaires comment influencer et motiver leur chien, par des méthodes douces
et positives, pour qu’ils aient des comportements adaptés à leur mode de vie.
Ils devraient aussi adapter leurs propositions en fonction des individus.
Aucune donnée scientifiquement validée n’existe à ce jour pour défendre la
croyance que vous deviez manger avant votre chien, l’empêcher de dormir sur
votre lit ou marcher devant lui. Et les propriétaires ne doivent pas être
conduits à le croire et donc à vivre dans un état de peur et d'anxiété lié au
fait que leur chien pourrait prendre le contrôle du foyer. En réalité, la
grande majorité des chiens et des propriétaires ont des relations merveilleuses
et enrichissantes — même si le chien est autorisé à dormir sur le lit, même
s’il mange à côté ou fait bien d'autres choses faussement étiquetées
“dominance“.
En conclusion
Lorsque vous devez choisir un éducateur canin ou
un comportementaliste pour travailler avec vous et votre chien, gardez bien à
l’esprit que les approches et les méthodes diffèrent. Il vous est vivement recommandé
d’interroger les professionnels afin de déterminer leur vision du concept de
dominance et de connaître leur position sur l’utilisation de la contrainte
physique ou morale et de l'intimidation pour éduquer un chien, que ce soit pour
l'obéissance ou pour des problèmes de comportement. Un bon professionnel canin
devrait être au courant des dernières connaissances scientifiques sur le
comportement du chien et être disposé à discuter ouvertement de ses méthodes
avec vous.
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